Barbara Jung / Cie BJ
LE RÉPERTOIRE
C’est à travers le Mont Lu que la Nature, de toute sa formidable présence, se manifeste à l’enfant de 6 ou 7 ans qu’est François Cheng, comme un recel inépuisable et surtout comme une passion irrépressible. Quelques mois plus tard la guerre sino-japonaise éclate avec ses atrocités. François Cheng découvre le mal. À partir de ce moment, ces deux phénomènes saillants, extrêmes, que sont la beauté et le mal, hanteront sa sensibilité qui, selon lui, constituent les deux extrémités de l’univers vivant, c’est-à-dire du réel.
François Cheng, en opposant au mal non le bien mais la beauté, fait du discernement une faculté qui résulte avant tout d’une expérience sensible.
C’est à cette pensée et à sa vision de la beauté que j’ai voulu m’abreuver pour ce premier travail.
J’ai proposé à Hélène Schwaller de prêter sa voix à ce texte, par intuition. Hélène est une actrice concrète. J’avais besoin de sa force pour donner corps aux mots de François Cheng.
Jour de printemps. Il marche dans les vignes, les bois, alors qu’un poème se compose dans sa tête. Ce texte parle de l’avidité de vivre. De l’attente… Nuit d’un été torride. Naguère, un enfant s’était enfoncé dans la forêt à la recherche de trois hêtres immenses. Il ne les a pas trouvés, mais il a vécu quelques minutes inoubliables près d’une source. Autre parcours : celui de l’aventure intérieure, avec ses aléas, ses angoisses, ses découvertes…Des instants d’abandon, de lentes dérives. Une parole nue. Celle qui sécrète le murmure de l’intime. Quatre saisons. Quatre lettres adressées à l’amie lointaine.
Charles Juliet est le premier poète dont Gwenaël Morin adolescent a déclamé les poésies face à un public, debout sur une table. Il m’a semblé juste de poursuivre le geste en lui proposant ce texte.
Etre rabbin, c’est vivre avec la mort : celle des autres, celle des vôtres. Mais c’est surtout transmuer cette mort en leçon de vie pour ceux qui restent : « Savoir raconter ce qui fut mille fois dit, mais donner à celui qui entend l’histoire pour la première fois des clefs inédites pour appréhender la sienne. Telle est ma fonction. Je me tiens aux côtés d’hommes et de femmes qui, aux moments charnières de leurs vies, ont besoin de récits »
Les récits sacrés ouvrent un passage entre les vivants et les morts.
« Le rôle d’un conteur est de se tenir à la porte pour s’assurer qu’elle reste ouverte » et de permettre à chacun de faire la paix avec ses fantômes…
Delphine Horvilleur a l’art de relier les êtres entre eux et de nous rappeler à notre extraordinaire capacité de pouvoir créer du sens. C’est en échangeant à propos de son livre que Brontis et moi-même nous sommes liés d’amitié. Il était d’évidence pour moi de faire entendre ce texte par sa voix.